Madeleine de Proust, version Tang Frères

09/06/2013

L’avantage de la soupe de nouilles instantanée, c’est qu’elle peut remplacer le Nesquik et les tartines de confiture le matin, mais aussi le jambon-beurre, la quiche lorraine et autre repas de midi sur le pouce, ou encore les Bolino au camping quand vous avez oublié votre ouvre-boîte, ou encore la soupe aux oignons pour les petits creux d’après minuit.

Prisée en Asie par les étudiants comme par les travailleurs qui n’ont ni le temps ni l’argent de se payer une bonne table pour déjeuner, elle se décline sous des saveurs variées, souvent improbables (parfois inquiétantes). Sans doute une soupe lyophilisée goût canard laqué ou porc mariné relève-t-elle de la même chimie que celle qui promet de retrouver dans des chips la sensation d’une bolognaise, d’un barbecue, ou même d’un steak-frites.

Je ne trouve pas ça normal, moi non plus, mais passons.
Au-delà de l’usage junk food qu’il est facile d’en faire, le paquet de nouilles instantanées offre aussi, comme les spaghettis ou même les farfalles – les apports nutritionnels en moins – une base que les meilleurs cuisiniers savent rendre plus sophistiquée sinon délicieuse. D’autres consommateurs moins avertis peuvent prendre, à l’inverse, le parti de les manger crus façon biscuit (je l’ai déjà fait, avec le recul je vois ça comme un geste de désespoir).

Qu’il soit consommé à la sauvette ou personnalisé avec des moyens quasi-professionnels, le paquet de nouilles instantanée est peut-être l’un des plus petits dénominateurs communs des familles issues de l’émigration asiatique en France. Chez les plus prévoyants, dont mes parents faisaient partie, on trouve toujours un carton entier de nouilles instantanées : les fameux paquets jaunes de mi (« nouilles » en chinois), les classiques – goût sel, poivre et oignons – les moins chères aussi. Je me souviens de ces après-midi d’hiver gris et d’ennui où ma mère, épuisée mais consciencieuse, faisait bouillir de l’eau pour la verser sur ce carré de lacets jaunes, ajoutant toujours quelques feuilles de coriandre frais et deux tranches de pâté vietnamiens avant de nous servir avec amour ces bols de réconfort immense que l’on avale d'un trait et que l’on n’oublie jamais... La version Tang Frères de l’effet madeleine, quoi. Mais ça, c’était les années quatre-vingts.

La marque japonaise Nissin a conçu un robot-minuteur sur le modèle de ses "Cup Noodle"
Aujourd’hui, les grandes surfaces françaises proposent des nouilles instantanées chinoises, parfois de marques françaises. Aujourd’hui, mes amis un peu bobos, épris de découvertes et de surprises ethniques, peuvent aussi juger mieux que moi de la qualité d’un ramen. Dans la file d’attente qui se presse devant Pho 14, l’un des meilleurs restaurants de soupes vietnamiennes de Paris, on trouve pêle-mêle des clients issus de toutes les communautés du quartier. Les nouilles, ça fait la soupe du pauvre, l’encas du cadre overbooké, et le plat de résistance des habitants d’un grand pays qui ne dit rien et nique tout. Ça réchauffe, c’est rapide, et ça s’exporte bien : un peu comme le monde aujourd’hui. Enfants de la Noodle class, nous en ramassons des morceaux à la baguette.

1 commentaire :

  1. Mes filles de 3 et 6 ans adorent !
    leur préféré ? Celle contenu dans ce fameux paquet jaune saveur oignon (mais que je cuisine, quand même !).
    La tradition se perpétue...

    RépondreSupprimer