La Face jaune : quand Hollywood grime des acteurs blancs en asiatiques

 11/06/2013


Auteur sino-américain dans sa cinquantaine, David Henry Hwang s’était notamment fait remarquer en 2007 avec la publication de Yellow Face. Cette comédie en deux actes prend pour point de départ la controverse suscitée, en 1990, par le choix d’un acteur blanc pour jouer un Eurasien dans le spectacle Miss Saigon à Broadway. A mi-chemin entre fiction et autobiographie, la pièce met en scène un auteur de théâtre nommé DHH (pour David Henry Hwang ?), fervent partisan de cette controverse… jusqu'à ce qu’il choisisse à son tour, deux années plus tard, un acteur blanc pour un rôle asiatique.
Reprise en ce moment à Londres (Park Theater), Yellow Face interroge donc les notions de race, d’apparence et d’identité, mais également l’histoire des discriminations pratiquées dans les arts à l’égard des faciès asiatiques.

Le terme « Yellowface », apparu dans les années 50, renvoie à une pratique bien plus ancienne, qui consiste à employer des acteurs non-asiatiques pour des rôles d’asiatique, et à les grimer suivant des codes très caricaturaux. Dans l’histoire du cinéma américain, les exemples sont légion depuis le début du 20e siècle. En 1915, l’actrice Mary Pickford faisait la Japonaise Cho Cho San dans Madame Butterfly (1915).  Fu Manchu, personnage tiré des romans de Sax Rohmer et s’inscrivant dans le contexte du « péril jaune », fut successivement incarné à l’écran par Warner Oland, Boris Karloff ou Christopher Lee (des années 20 aux années 60). Dans Le Conquérant (1955), Gengis Khan prend les traits de John Wayne – et l’empereur mongol pourrait bientôt être joué par Mickey Rourke pour un projet en cours.

Là où certains invoquent une pure forme de racisme, d’autres mettent en avant des raisons plus pragmatiques, comme la difficulté de trouver des acteurs américano-asiatiques qualifiés ; la nécessité de faire figurer des superstars au casting ; ou encore la crainte de perdre de l’audience en outrepassant les lois de la dictature hollywoodienne. Ces problématiques, largement abordé dans des études anglo-saxonnes, sont également l’objet de The Slanted Screen, Asian Men in Film and Television, documentaire de Jeff Adachi diffusé en 2007. 

Rob Schneider joue un pasteur asiatique dans Quand Chuck rencontre Larry (2007)...
On y retrouve notamment le témoignage de l’acteur Mako, qui rapporte avoir entendu, à propos de David Carradine et de son rôle dans Kung Fu, intialement prévu pour Bruce Lee : « Si on met un homme jaune à l’écran, le public va l’éteindre en moins de 5 minutes ». L’acteur nippo-américain Cary-Hiroyuki Tagawa, qui apparaissait dans le film Mortal Kombat, souligne quant à lui : “On a le choix entre jouer des hommes d’affaires lâches ou des voyous maléfiques ». Il reste assez rare en effet que des grands rôles soient écrit spécifiquement pour des acteurs asiatiques, sans que le rôle ne suive pour autant l’implacable équation : asiatique=kung fu/mafia/Jackie Chan, etc. Les séries pourraient se révéler plus progressistes de ce côté-là, avec par exemple le personnage intéressant de Glenn (Steven Yeun) dans Walking Dead.

En France, où le débat sur la représentation médiatique des communautés ne répond pas aux mêmes enjeux et ne trouve donc pas le même écho, on ne cherchera même pas à compter les acteurs et actrices en vogue issus de l’émigration asiatique. Aucun nom ne me vient à l’esprit en dehors de la Franco-vietnamienne Lin Dan-Pham, nominée deux fois pour le César du meilleur espoir féminin (dont une fois lauréate), et qui s’est fait connaître pour son rôle dans… Indochine. Bon. Lin Dan-Pham figure également au casting du Bal des actrices de Maïwenn, où elle joue son propre rôle et révèle une relation compliquée avec ses parents, due notamment à ses choix de carrière. Il est certain que dans les familles traditionnelles d’immigrés asiatiques, vous ne trouverez pas beaucoup d’adultes pour encourager les plus jeunes à rêver de gloire artistique (=sans argent : autre équation implacable). Ceci explique peut-être cela.


Eddie Murphy est Mr Wong dans Norbit
Quoiqu’il en soit, et en guise de conclusion, même si on peut parfois avoir l’illusion que les Américains ont pris de l’avance sur ces questions, par exemple à cause du fait qu’Eddie Murphy, l’acteur noir de service des comédies Hollywoodiennes, ait lui-même interprété le rôle de l'asiatique Mr Wong dans Norbit (2007) – du noir au jaune sans passer par le blanc ! – il n’est peut-être pas toujours bon de précipiter les choses.

Yellow Face, de David Henry Hwang, du 21 mai au 16 juin au Park Theatre à Londres (avec des vrais acteurs d'origine asiatique dedans).

The
Slanted Screen, Asian Men in Film and Television, un documentaire de Jeff Adachi.

1 commentaire :

  1. Moi, aussi j'ai ete choque dans mon enfance de cet affront a Bruce Lee, alors que le role avait ete ecrit pour lui...
    De la a soutenir que cela avait cause sa mort, c'est un pas qu'a 10ans, on saute assez rapidement...

    Depuis j'en ai garde une haine silencieuse envers David Carradine, le critiquant pour son mauvais jeu d'acteur des qu'il apparaissait sur un quelconque ecran et boudant ses films autant que je le pouvais avec surtout en tete la fameuse serie "Kung Fu"... "Imposteur" est le superlatif que j'employais a l'epoque des le generique de cette serie, suivit d'un coup... de zapette...

    Le seul "blanc" que j'ai aime dans son role d'asiatique etait Yul Bryner dans "The King and I"... Je crois que c'est son regard "bride" si serieux qui m'a facinne, sa classe aussi... Une sorte d'Andy Lau a l'ancienne...

    Andy Lau est le premier acteur asiatique pour moi a avoir vraiment franchi le cap de l'excellent acteur asiatique sans la flamboyance des combats. Il faut le voir dans la trilogie "Internal Affairs"... (Repris d'ailleurs pour la super prod americaine "the departed" avec une brioche d'acteur americain de folie(Leonardo DiCaprio, Jack Nicholson, Matt Damon, Martin Sheen...) qui reprennent les roles d'Andy Lau, Tony Leung, Anthony Wong, Eric Tsang...

    Mais pour la moi la reprise ne reste qu'une "pale"(lol) copie de ce qui est tout simplement pour moi l'un des tout meilleur film de HK...
    De nos jours les acteurs asiatiques ont pour moi gagner leur droit de jouer "sans combattre" comme dans le dernier "Fast&Furious6"...

    Meme si certains films recents entretiennent encore le mythe: "Avaitar:Le dernier maitre de l'air" ou encore la derniere presentation de Tarantino "the man with the Iron Fist"...
    Mais on est en droit de se demander si la roue n'a pas finalment tournee du bon cote. Si finalement les roles asiatiques etaient voles, non plus a cause du mauvais jeux des jaunes, mais la pretention des blancs a savoir aussi sauter dans tous les sens tel tous bons chinetoks...

    Pourtant un "black" leur a pourtant dit, d'un ton sans detour:"White men CAN'T jump!!!". Un noir un brin asiatique du nom de Spike Lee...

    Je pense aussi que les USA et leur culture hollywoodienne favorise la mise en valeur des extremes "positifs" et contribue largement aux cliches devenus "prejuges"... Cette facon de devoir juger sur un coup d'oeil, les qualites et defauts d'une personne ont contribue au stereotype et l'ont grave dans la pierre.

    Jaune: Ne sait pas parler, sur-joue trop ses personnage (Normal ceux selectionnes viennent du cirque chinois. Ex:Jackie Chan, Bruce Lee...)mais tres rapide, agile voire acrobatique...

    Dans ce procede Hollywood a mis les noirs, les peau rouge, les frenchs, les islamistes etc... Pour les categoriser dans des themes filmatographique: Karate - Gangsta - CowBoys - Dirty/Love - Terroriste...

    Au final etre Jaune c'est pas si mal...

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